
Paroles de L'Ivrogne et sa femme
Chacun a son défaut, où toujours il revient :
Honte ni peur n'y remédie.
Sur ce propos, d'un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n'appuie
De quelque exemple. Un suppôt (1) de Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus.
Un jour que celui-ci, plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là, les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir. A son réveil il treuve
L'attirail de la mort à l'entour de son corps :
Un luminaire, un drap des morts.
Oh! dit-il, qu'est ceci ? Ma femme est-elle veuve ?
Là-dessus, son épouse, en habit d'Alecton (2),
Masquée et de sa voix contrefaisant le ton,
Vient au prétendu mort, approche de sa bière,
Lui présente un chaudeau (3) propre pour Lucifer.
L'époux alors ne doute en aucune manière
Qu'il ne soit citoyen d'enfer.
Quelle personne es-tu ? dit-il à ce fantôme.
La cellerière (4) du royaume
De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger
A ceux qu'enclôt la tombe noire.
Le mari repart sans songer :
Tu ne leur portes point à boire ?
(1) Ici, les suppôts de Bacchus sont les ivrognes
(2) l'une des Furies, Divinités de la vengeance
(3) Bouillon chaud
(4) Dans un couvent, religieux(se) responsable des réserves de nourriture
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A propos du chant "L'Ivrogne et sa femme"
La fable "L'Ivrogne et sa femme" est une réécriture du conte "La femme et l'Ivrogne" de l'écrivain grec Ésope.
Jean de La Fontaine cherche à démontrer qu'il ne sert à rien de vouloir détourner l'Homme de ses vices (ici, l'alcool), puisqu'il y reviendra quoiqu'il arrive.
La femme est totalement impuissante face à la dépendance de son époux.
La morale située dès le début de la fable fait comprendre au lecteur que la femme échouera. On remarque alors un certain pessimiste de la part du poète qui défend la thèse qu'aucun Homme ne peut changer face à ses travers.
La Fontaine est aujourd’hui le plus connu des poètes français du XVIIe siècle, et il fut en son temps, sinon le plus admiré, du moins le plus lu, notamment grâce à ses Contes et à ses Fables.
Styliste éblouissant, il a porté la fable, un genre avant lui mineur, à un degré d’accomplissement qui reste indépassable.
Moraliste, et non pas moralisateur, il pose un regard lucide sur les rapports de pouvoir et la nature humaine, sans oublier de plaire pour instruire.