Paroles de La fille au Roi Louis
Sur l'air du chant : "Le Roy Louis a convoqué tous ses barons et chevaliers" :
1 - Le roi Louis est sur son pont,
Tenant sa fille en son giron ;
Elle se voudrait bien marier
Au beau Déon, franc chevalier.
2 - « Ma fille, n'aimez jamais Déon,
Car c'est un chevalier félon ;
C'est le plus pauvre chevalier
Qui n'a pas vaillant six deniers.
3 - — J'aime Déon, je l'aimerai,
J'aime Déon pour sa beauté,
Plus que ma mère et mes parents,
Et vous, mon père, qui m'aimez tant.
4 - — Ma fille, il faut changer d'amour,
Ou vous entrerez dans la tour.
— J'aime mieux rester dans la tour,
Mon père, que de changer d'amour.
5 - — Et vite, où sont mes estafiers,
Mes geôliers, mes guichetiers,
Qu'on mette ma fille en la tour :
Elle n'y verra jamais le jour. »
6 - Elle y fut bien sept ans passés
Sans que personne la pût trouver.
Au bout de la septième année,
Son père vint la visiter :
7 - « Bonjour, ma fille, comment vous va ?
— Hélas, mon père, il va bien mal :
J'ai un côté mangé des vers,
Et les deux pieds pourris ès fers.
8 - Mon père, avez-vous de l'argent,
Cinq à six sous tant seulement ?
C'est pour donner au geôlier,
Qu'il me desserre un peu les pieds.
9 - — Oui-da, ma fille, nous en avons,
Et des mille et des millions :
Nous en avons à vous donner,
Si vos amours voulez changer.
10 - — Avant que changer mes amours,
J'aime mieux mourir dans la tour.
— Eh bien ma fille, vous y mourrez,
De guérison point vous n'aurez. »
11 - Le beau Déon, passant par là,
Un mot de lettre lui jeta ;
Il y avait dessus écrit :
« Belle, ne le mettez en oubli ;
12 - Faites-vous morte ensevelir,
Que l'on vous porte à Saint-Denis ;
En terre, laissez-vous porter,
Point enterrer ne vous lairrai. »
13 - La belle n'y a pas manqué,
Dans le moment a trépassé ;
Elle s'est laissé ensevelir,
On l'a portée à Saint-Denis.
14 - Le roi va derrière en pleurant,
Les prêtres vont devant chantant :
Quatre-vingts prêtres, trente abbés,
Autant d'évêques couronnés.
15 - Le beau Déon passant par là :
« Arrêtez, prêtres, halte-là !
C'est m'amie que vous emportez,
Ah ! laissez-moi la regarder ! »
16 - Il tira son couteau d'or fin
Et décousit le drap de lin :
En l'embrassant, fit un soupir,
La belle lui fit un souris :
17 - « Ah ! voyez quelle trahison
De ma fille et du beau Déon !
Il les faut pourtant marier,
Et qu'il n'en soit jamais parlé.
18 - Sonnez, trompettes et violons,
Ma fille aura le beau Déon.
Fillette qu'a envie d'aimer,
Père ne l'en peut empêcher ! »
19 - Quatre ou cinq de ces jeunes abbés
Se mirent à dire, tout haut riant :
« Nous sommes venus pour l'enterrer,
Et nous allons la marier ! »
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A propos du chant "La fille au Roi Louis"
Chanson très ancienne dont les paroles remonteraient au Moyen-Age, et citée dans l'Anthologie de la chanson française traditionnelle de Marc Robine, "La fille au Roi Louis" relate l’amour interdit entre la fille de Louis IX (Saint Louis) et un chevalier nommé Déon (le nom qui varie selon les versions et les régions).
D'après Marc Robine, il existe plusieurs versions de cette chanson, dont une par le trouvère Audefroy le Batard (XIIIe siècle) nommée "La belle Ydoine".
La mélodie que l'on connaît aujourd'hui serait basée sur un air de cour de 1607, et Gérard de Nerval l'aurait décrite comme « un des plus beaux airs qui existent ».