Trouver son équilibre émotionnel pour franchir le pas et oser chanter !
Christelle Wolf est psychopédagogue et musicothérapeute, elle aide ses patients à retrouver un équilibre psychique et émotionnel, notamment grâce à la musique. Dans la lignée de notre article sur la musicothérapie, cet entretien nous permet de mieux saisir ce que le chant apporte à notre corps.
Chants de France : Le chant est aujourd’hui une pratique qui disparaît, est-ce pour vous un problème ? Quelles sont les causes de cette disparition ?
Christelle Wolf : Chanter est très noble. Malheureusement on ne chante pas assez, on se cache pour chanter : sous la douche, dans la voiture. Mais on ne chante plus en public. C’est un trait assez français : on n’ose pas car nous ne chantons pas parfaitement. C’est un rapport de performance au chant, sans doute alimenté par les émissions comme « The Voice ». Il y a là une starification, un jury, on a peur d’être « faux » par rapport à ça.
Une autre barrière pour le chant est la langue. Si on ne chante pas en français, mais en anglais comme pour l’essentiel de la musique contemporaine, on perd ce lien émotionnel avec la langue.
Chants de France : Alors comment franchir le pas ? Et surtout pourquoi franchir le pas ?
Christelle Wolf : D’abord on assiste depuis deux ans à un retour du karaoké, notamment pour les jeunes. Depuis deux ans (depuis les confinements), parce que c’est le besoin de se retrouver physiquement qui guide ces jeunes. J’en veux pour preuve mon fils de 20 ans qui adore ça ! Avec le karaoké, c’est la variété française qui est mise à l’honneur.
On peut aussi franchir le pas en revenant au texte, en en saisissant le sens, le message. En liant à nouveau émotion et musique, quelque soit la musique par ailleurs.
On a une différence entre l’écoute, pour laquelle le corps est passif, alors que le corps est actif et engagé lorsqu’on émet. Donc lorsqu’on chante par exemple, ou lorsqu’on joue d’un instrument de musique.
Chants de France : Est-ce qu’on peut mettre sur le même plan le rap et le chant populaire par exemple ? Nous pensons évidemment que le chant est porteur de plus de sens et de beauté que le rap, mais ça ne semble pas être votre cas ?
Christelle Wolf : Par rapport à d’autres formes d’art, qui apportent toutes certains éléments particuliers, le chant a une spécificité : la vibration. Que ce soit du chant populaire ou du rap, on retrouve cette vibration. On rentre dans son intimité, dans la connaissance de soi, de son corps.
Pour le rap, on travaille différentes sphères, comme les percussions, les pulsations, l’inflexion de la glotte. Ce n’est pas la même chose qu’avec une berceuse.
Chants de France : Vous travaillez aujourd’hui principalement avec des adolescents, avec quel autre profil aimeriez-vous aussi travailler ?
Christelle Wolf : Avec les artistes, toujours sur le même thème de l’émotion et de l’équilibre psychique. Car il y a de la souffrance dans ce travail. On pourrait diminuer cette souffrance sans diminuer la qualité des interprétations.
Dans le monde du sport, ce genre d’approche est tout à fait rentrée dans la norme. Mais dans le monde de l’art on en est loin !
Réponses recueillies par Gauthier Brioude et Rémi Creissels.